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Le salarié alcoolisé et l'organisation

Messages clés

Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 2023 (n° 22-19.441), il est désormais clairement établi que l'employeur ne doit pas laisser entrer ou demeurer une personne en état d'ébriété dans l’entreprise.

Ce principe découle de l’obligation de sécurité qui incombe à l’employeur (article L. 4121-1 du Code du travail). Cette décision précise que l’interdiction ne doit pas seulement concerner la consommation d’alcool sur le lieu de travail, mais aussi l’accès aux locaux pour une personne déjà alcoolisée, même si elle n’a pas encore commencé à travailler.

👉 Conséquences pour l’employeur :

  • Il doit refuser l’entrée à un salarié en état d’ébriété.

  • Il peut mettre en place un règlement intérieur interdisant l’introduction d’alcool dans l’entreprise.

  • Il peut sanctionner un salarié en cas de non-respect.

Source : Cour de cassation, arrêt n° 22-19.441 du 8 novembre 2023

L’employeur se doit d'intervenir dans son obligation de sécurité (Article 4121-1 Code du Travail), il ne peut laisser évoluer un salarié manifestement ivre évoluer librement sous sa responsabilité.

Il n’est pas interdit de consommer sur le lieu de travail, tout comme il n'est pas interdit de consommer avant de conduire, c'est le fait d'être sous l'emprise d'une substance psychoactive et de présenter un risque pour soi même pour pour les autres qui doit être ciblé par le processus, sauf si le règlement intérieur est explicite à ce sujet (interdiction de consommer).

Les contrôles d’alcoolémie doivent être prévus au règlement intérieur et ne pas porter atteinte à la vie privée.

Les controles d'alcoolémie effectué par les infirmier.es sont soumis au secret professionnel et ne peuvent être utilisés dans le processus disciplinaire, mais une alcoolémie positive entrainera toujours une orientation avec non retour au poste de travail et retour accompagné conseillé (justificatif remis au salarié qui doit le remettre à un représentant de l'employeur). Pour des raisons éthiques et maintenir un bonne adhésion aux soins, le passage à l'infirmerie est donc de préférence après la procédure disciplinaire.

Les tests salivaires ou urinaires pour d'autres substances psychoactives (notamment les cannabinoïdes, opiacés, amphétamines, etc.) détectent la présence d'un métabolite, pas nécessairement un état d’imprégnation.
➡️ Exemple : Le THC peut être détecté dans les urines plusieurs jours (jusqu’à 30 jours en cas de consommation chronique) sans que la personne soit sous emprise ou ait des capacités altérées. Le contrôle d’autres substances psychoactives (drogues illicites, médicaments) est beaucoup plus encadré, car il touche à la vie privée et à la santé. Il nécessite souvent : une justification par la nature du poste (ex. : poste de sécurité), un acte médical donc soumis au secret médical (dont la transmission dépend donc du salairié), ou un contrôle par une autorité compétente (ex. police ou médecine du travail), une procédure respectant le RGPD et le Code du travail (art. L.1222-1, L.1121-1, L.1321-3). En cas de doute, pensez à la visite à la demande de l'employeur.

Sources

Résumé des éditions Tissot.

Article 4121-1 du Code du travail.

Article du code du travail sur les amendes encourues par l’employeur en cas de non respect de l’article précédent.

ANSM, Évaluation des dispositifs de dépistage de drogues

HAS, Rapport d’expertise collective, 2014 – Conduite et usage de substances psychoactives

Il n’existe pas de “taux d’alcool maximum au travail”, mais le taux de la sécurité routière est le plus souvent retenu pour la conduite et l’opération de machines dangereuses est le plus souvent utilisé (validant donc l’usage d’éthylotests se positivant à 0,5 g d’alcool par litre de sang soit 0,25 mg d’alcool par litre d’air expiré).

Le Code du travail n’interdit pas totalement l’alcool sur le lieu de travail puisque la consommation de vin, de bière et de poiré dans l’entreprise est tolérée (Code du travail, art. R. 4228-20).

Il est par contre interdit de laisser entrer ou séjourner dans l'entreprise des personnes en état d’ivresse.

Anne-Lise Castell, éditions Tissot

Proposition de processus

Voir aussi : Processus Retour à Domicile

Exemple d'élements de tracabilité (conforme RGPD)

Informations générales

  • Date de l’événement :

  • Heure du constat :

  • Lieu :

  • Nom et prénom du salarié :

  • Matricule ou identifiant RH :

  • Service ou équipe :

  • Responsable hiérarchique présent :


Circonstances du contrôle

  • Motif du contrôle :
    ☐ Comportement inhabituel sans signe de malaise grave ou lésion grave associée
    ☐ Incident ou quasi-accident
    ☐ Contrôle aléatoire
    ☐ Signalement
    ☐ Autre (préciser) :

  • Événement associé :
    ☐ Aucun
    ☐ Accident
    ☐ Conflit
    ☐ Risque sécurité
    ☐ Autre (préciser) :


Dispositif utilisé

  • Type de dispositif :
    ☐ Éthylotest chimique
    ☐ Éthylomètre homologué

  • Marque / modèle :

  • Numéro de série (si applicable) :

  • Date de péremption (éthylotest) :

  • Date du dernier contrôle ou étalonnage (éthylomètre) :

  • Conformité vérifiée avant usage :
    ☐ Oui
    ☐ Non (dans ce cas, ne pas utiliser le dispositif)


Résultat du test

  • Date et heure du test :

  • Résultat :
    ☐ Négatif
    ☐ Positif – Taux mesuré :☐ Non mesuré car opposition par la personne (positif jusqu'à preuve du contraire si circonstances).

  • Représentant du personnel présent :
    ☐ Oui – Nom :
    ☐ Non

  • Témoin présent (si représentant absent) :

    • Nom :

    • Fonction ou qualité :


Mesures immédiates

  • Suspension de l’activité :
    ☐ Oui
    ☐ Non

  • Orientation vers infirmière :
    ☐ Proposée
    ☐ Acceptée
    ☐ Refusée

  • Retour au domicile :
    ☐ Accompagné par un tiers
    ☐ Transport organisé (taxi, autre)
    ☐ Autre modalité :

  • Entretien RH immédiat :
    ☐ Oui
    ☐ Non

  • Autres mesures prises :


Suite RH

  • Entretien RH différé :
    ☐ Oui – Date prévue :
    ☐ Non

  • Recueil des explications du salarié :
    ☐ Réalisé
    ☐ Refusé

  • Décision ou suite disciplinaire :
    ☐ Avertissement
    ☐ Mise à pied
    ☐ Orientation médico-sociale
    ☐ Sans suite
    ☐ Autre (préciser) :


Archivage et confidentialité

  • Lieu de conservation du formulaire :
    ☐ Dossier RH individuel
    ☐ Registre santé-sécurité
    ☐ Anonymisé pour usage statistique

  • Durée de conservation :
    5 ans ou durée de la procédure en cours

  • Mention RGPD :
    Le salarié a été informé de ses droits (accès, rectification, opposition) et de la finalité du traitement.


Signatures

  • Référent RH ou HSE

    • Nom :

    • Signature :

  • Salarié contrôlé

    • Nom :

    • Signature :
      ☐ Refus de signer

  • Représentant du personnel

    • Nom :

    • Signature :

  • Témoin (si différent)

    • Nom :

    • Signature :

Recommandations pour les directions et RH (processus disciplinaire)

Pour limiter les failles juridiques dans ce genre de processus, voici ce qu’il est conseillé de prévoir dans le cas d’un salarié en état d’ivresse manifeste ou suspectée.

Un processus disciplinaire peut permettre de cadrer le malade et de l’autoriser à prendre le chemin des soins, en faisant basculer la balance bénéfices (liés à la consommation) / couts / risques.

L’interdiction de consommer doit être portée au règlement intérieur, sans quoi il sera compliqué pour l’employeur de mobiliser un motif disciplinaire (puisque le Code du Travail ne l’interdit pas).

La direction doit prévoir au moins deux cas spécifiques dont le contenu doit être abordé dans un processus en CSSCT :

  • Cas "mesure de sécurité" débutant par des contrôles inopinés des postes à risques en cas d’ivresse : “Il faut que le risque lié à l'alcoolémie soit suffisamment caractérisé au regard des activités exercées.” (Anne-Lise Castell, éditions Tissot)
  • Cas "contrôle de l’individu en cas de doute", notamment mobilisable par les managers. Le processus devrait inclure une visite urgente à la demande de l’employeur avec le médecin du travail en informant le salarié du motif de la demande.

Nous recommandons l’écriture du déroulé des contrôles impliquant en impliquant un témoin neutre (représentant du personnel avec un manager ou un RH), avec une vérification systématique des dates de péremptions (éthylotests) et des dates de maintenance (éthylomètres) avant de procéder au test, le tout (noms des témoins, dates des péremptions et tests utilisés) reportés sur une fiche ou un mail de traçabilité.

Prévoir un processus de retour à domicile non spécifique, et pour rappel les décharges n'ont aucune valeur et ne dégagent pas l'employeur de sa responsabilité, d'autant plus dans ce cas où la circonstance de péril est suspectée et justifie tout le processus.

Nous ne recommandons pas l’intervention de l’infirmier.e dans ledit processus qui mettra de l’ambiguïté dans le parcours du salarié, dont la relation de confiance est clé pour obtenir une bonne adhésion aux soins par la suite.

Attention aux malaises : en cas de doute sur une situation dépassant l’ivresse manifeste ou suspectée (notamment sueurs, douleurs, difficultés cognitives inhabituelles), faire intervenir un SST ou l’Infirmier.e, mais aucune information ne pourra alors être récupérée (secret de circonstance et secret professionnel).