Accidents du travail et gestion des registres dans une infirmerie
A lire également : Processus RAD
Messages clés
Les infirmier(e)s n’ont pas de dérogation à la levée du secret envers un employeur, sur aucun sujet, pas même confirmer une prise en charge, seul le salarié concerné peut le faire ("La déclaration à laquelle la victime d'un accident du travail est tenue" - Code du Travail), y compris pour les accidents. Cela concerne toutes les données personnelles et commence donc par l’identité des personnes prises en charge.
Le principe s’applique également à tout donneur de soin notamment les SST, du fait de l’obtention de données personnelles par l’état de vulnérabilité de la victime.
Rappel de toutes les procédures à respecter par l’organisation : https://www.juritravail.com/Actualite/declaration-d-un-accident-du-travail-dat-par-l-employeur-quelles-formalites/Id/300134
Ce que dit la réglementation
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F171
Article 226-13 : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006417945
Décret n° 2021-526 du 29 avril 2021 : Depuis 2021 la tenue du registre des accidents bénins n'est plus soumise à envoi et demande d'autorisation des CARSAT, la tenue des registres est néanmoins soumise à déclaration auprès des CARSAT par l'employeur (Attention pour les sites accueillant des prestataires : 1 SIRET = 1 registre).
La reconnaissance en AT suppose trois déclarations différentes et trois acteurs différents : Lien vers Code du Travail
Le registre des accidents bénins en est une simplification administrative qui permet de réduire le volume de déclarations qui n'aboutirait pas à un suivi. L'entreprise peut se servir de ce registre pour déclarer plus tardivement l'accident à la CARSAT en notant le numéro.
Article R441-2 - Modifié par Décret n°2019-356 du 23 avril 2019 - art. 1
La déclaration à laquelle la victime d'un accident du travail est tenue conformément à l'article L. 441-1 doit être effectuée dans la journée où l'accident s'est produit ou au plus tard dans les vingt-quatre heures.
Article R441-1 - Modifié par Décret n°2019-356 du 23 avril 2019 - art. 1
Les formalités de déclaration d'accident sont effectuées par l'employeur conformément aux dispositions des articles L. 441-2 et L. 441-4.
Soit pour reformuler selon l’ordre chronologique des évènements :
- La déclaration de l'accident à l'employeur est une obligation qui incombe au salarié, pour laquelle il dispose d'un délai de 24h, une bonne pratique est la traçabilité par mail depuis une adresse du salarié ou une traçabilité directe dans le registre d'accidents bénins de la main du salarié (ou en cas d'impossibilité, du 1er témoin ou responsable hiérarchique).
- L'employeur a l'obligation de déclarer l'accident à sa CPAM/CARSAT dans les 48h après connaissance des faits (donc après la déclaration 1), s'il ne le fait pas, le salarié peut le déclarer de lui même jusqu'à 2 ans à la CPAM (avec pour date de début la déclaration 1).
- Le médecin constatant les lésions suite à un accident a l'obligation (Article L441-1 du Code de la sécurité sociale) de décrire les lésions dans un certificat de déclaration d'accident du travail à destination de la sécurité sociale, dans les 24h également (et c'est de cette obligation que vient la méprise très répandue du secret et des accidents, pourtant hors dérogation). Le médecin déclare via le Cerfa s6909, où l'on peut constater que le volet dédié à l'employeur exclut la description des lésions.
Proposition de fonctionnement conforme à la réglementation et à la déontologie
- Un salarié se présente à l'infirmerie d'entreprise suite à un accident du travail.
- L'infirmier(e) en place effectue les soins de la lésion voire l'orientation si nécessaire.
- L'infirmier(e) trace dans son logiciel/cahier d'infirmerie son soin et des observations quant à la qualité de la plaie et son évolution (traçabilité soumise au secret mais saisissable par le salarié victime si besoin).
- Le salarié, qui a l'obligation de prévenir son employeur, le fait en traçant lui-même dans le registre des accidents de l'entreprise le passage et la nature des lésions, ou à défaut son premier témoin, le premier collègue avisé ou son hiérarchique. Il peut également envoyer un mail détaillant les mêmes éléments ou passer par un portail/application prévu par l'employeur. La version papier est néanmoins recommandée (envoi d'un modèle pdf via mail imprimable et rescanné) notamment pour la traçabilité de la signature qui reste obligatoire. Le numéro de registre peut être « devinable » avec la date et les initiales de la victime du type 20221214RC1972 (Pour l'accident du 14 décembre 2022 de Mr Robert CASSE né en 1972 par exemple). Attention si l’enregistrement ne peut être fait sur place dans les 24h le salarié devrait faire un recommandé.
Le registre étant par nature consultable par la direction de l'entreprise et ses acteurs de prévention, l'information, personnelle (mais qui n'est pas tracée à l'origine par l'infirmier(e) donc dénuée de secret) est lisible par toutes les personnes déclarées à la CNIL (RGPD). L’envoi par mail de données personnelles n’est pas une bonne pratique (pas de traçabilité de l’accès à l’information personnelle qui est dûe selon le RGPD), une alerte ne devrait donc pas contenir de nom / identité de la personne. Un formulaire onedrive ou google drive avec des alertes pour les personnes ayant accès a plus de sens (enregistrement + alerte si nouvelle entrée + RGPD).
Nous vous conseillons d'ajouter au règlement intérieur la traçabilité obligatoire de tout événement indésirable dans un registre ou auprès d'un manager par les salariés.
Le rôle de l'infirmier.e
L'infirmier(e) a obligation d'assistance à personne en danger et obligation de moyens (orientation si nécessaire). L'infirmier(e) peut soigner et apporter son aide dans la formulation à un salarié déclarant lui-même son accident à son employeur par le biais d'un registre ou d'un mail. L'infirmier(e) peut éviter au salarié et à l'entreprise la consultation d'un médecin si les lésions restent bénignes et gérables à l'infirmerie.
La rédaction du registre des accidents ou d'un tableau de suivi ne peut donc se faire avec le concours direct de l'infirmier(e) sans violer le secret professionnel et amener un risque juridique et une pression éthique pour le professionnel de santé.
Les taches de déclaration sur net-entreprise ou sur Cerfa peuvent être effectuées par un IDE mais avec une recopie « carbone » de la déclaration initiale du salarié, à la faute et à la virgule près : aucun remaniement ou reformulation ne peut être signé de la main de l'infirmier sans mettre en jeu le secret professionnel.
Ce type de pratique est néanmoins inconfortable déontologiquement et peut amener un flou autour de la pratique qui pourrait avoir pour conséquence une perte de confiance de la part des salariés, et ne devrait être appliquée qu'en cas de procédure dégradée.
Par ailleurs, la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des Infirmiers a estimé par une décision en date du 2 octobre 2017 qu’il résulte des dispositions de l’article L.11110-4 du code de la santé publique que si les professionnels de santé ne peuvent révéler les secrets confiés ou déduits en raison de leur profession ou de leurs fonctions, c’est du patient seul que dépend le sort de ces secrets, dont l’autorisation de révélation […] Cependant, hormis les cas où la loi en dispose autrement, le secret professionnel est général et absolu et il n'appartient à personne d’en affranchir le praticien même à la demande du patient. Ainsi, l’accord ou la demande du patient ne saurait le délier du secret (Cass., Crim. 8 avril 1998, n° 97-83656).
Code pénal, article 226-14 (pour les secouristes = “par état”, et pour les infirmiers “par profession”)
La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
Documents liés
Modèle de document à faire remplir par la victime en cas de non-procédure puis à faire transmettre par la victime (ou laisser la victime demander à un témoin) : Fiche de déclaration AT SST.docx
No comments to display
No comments to display